Pourquoi ce passage est- il si central, est- il si connu, est- il si commenté ?

« Héh’ad h’akham, héh’ad racha, héh’ad tam, vé héh’ad chééno yodéah licheol ».

L’un sage, l’un méchant, l’un simple et l’un ne sachant pas poser de questions.

 

La pédagogie différenciée

Nous avons tous des enfants différents; ils sont de la même famille, ils ont les mêmes parents, ont reçu la même éducation et pourtant nos enfants sont si différents. Chacun est particulier. Tous les professeurs le savent, leurs élèves sont tous différents, chacun ses spécificités. Et bien c’est aux parents, aux éducateurs de s’adapter à chaque enfant, à chaque type d’enfant. C’est le message de ce célèbre passage des 4 fils qui ouvre quasiment la soirée du Seder.

Il n’ y a pas de mauvais élèves, uniquement des enfants différents auxquels il faut s’adapter; il s’agit de s’adresser spécifiquement à chaque type d’enfant.

 

Dans quel ordre sont-ils cités ?

Du meilleur au pire ? Absolument pas, nous l’avons vu il n’y a pas de mauvais enfants.

Par niveau d’intelligence ? Peut être et encore cela pourrait se discuter.

 

Le h’akham et le racha, que tout semble opposer, se trouve côte à côte, à forte proximité. En effet ces deux types d’enfants sont intelligents, vifs, curieux, s’intéressent; mais l’un d’eux, le 2ème s’est rebellé, il est en opposition. Cette forte proximité pour bien nous sensibiliser au fait suivant : l’un comme l’autre peuvent basculer à tout moment de l’autre côté. Le racha peut devenir h’akham (heureusement) et le h’akham peut devenir racha (malheureusement, rien n’est jamais acquis). Il s’agit pour l’un comme pour l’autre d’être constamment à l’écoute, en dialogue, en échange, en débat, avec patience,  soucis de pédagogie et bienveillance.

 

Avec tous ces enfants, quelque soient leurs caractères le dénominateur commun est le dialogue permanent, « Tu leur raconteras », la communication, ne jamais rompre les ponts.

La patience et la persévérance doivent être de mise.

 

Nous remarquons également que la réponse au h’akham et au tam se ressemble car les deux font appel aux rites. Ici pour bien insister sur l’importance capital des rites, et ce pour tout niveau d’intelligence, du plus instruit au plus simple. Les rites de nos jours ont perdu un peu de leurs forces, peuvent parfois être perçus comme désuets, démodés, mais la Haggada vient nous rappeler leurs rôles structurant dans notre tradition, et dans la vie tout simplement.

 

Les 4 fils peuvent aussi se lire différemment, voici deux propositions :

 

1) On les lit à l’envers en commençant par celui qui ne sait pas poser de questions et on peut faire le parallèle avec un enfant qui grandit.

Au début c’est un bébé il ne sait même pas parler, questionner.

Ensuite c’est un enfant qui pose des questions simples, qui s’intéresse : le tam, le simple

Puis il devient adolescent, se rebelle, veut tout rejeter, il a besoin de s’opposer : le racha, le méchant

Et enfin il devient un jeune adulte, près à aborder un nouveau monde, et il devient plus raisonnable : le h’akham

 

2) Nous pouvons faire ici l’analogie avec l’émigration des Juifs à travers l’histoire.

– Un juif est dans son shtetel, ou au mellah, c’est à dire dans un ghetto, un environnement fermé, clos, entre juifs, alors il est pratiquant, respecte les mitsvot, toute sa vie tourne autour de nos traditions, c’est un h’akham.

– Puis il émigre vers des terres nouvelles, accueillantes, à la fois pour s’extraire de son environnement parfois hostile, humiliant et à la fois attiré par le « rêve américain » ou la « belle France », terre de liberté et d’émancipation. Alors son fils va profiter de cette nouvelle liberté, il va s’émanciper, il empruntera l’ascenseur social, il deviendra médecin, avocat, chef d’entreprise, mais il aura tendance, pour beaucoup d’entre eux, à rejeter un peu ses traditions, les jugeant souvent obsolètes, dépassées, démodées. Il va devenir un racha, il va s’exclure petit à petit de sa communauté, de son histoire.

– Son fils qui n’aura pas reçu d’éducation particulièrement juive de la part de ses parents va perdre encore un peu de savoir, de mémoire, il aura, pour les plus chanceux, encore son grand père à qui poser des questions et c’est tout. Il deviendra, sur le plan du judaïsme, de nos traditions, simple (tam).

– Et la quatrième génération, quant elle, sera perdue, elle ne saura même plus poser de questions.  Et de toutes façons à qui ? Ces affaires ne seront plus les siennes.

 

Cette histoire des 4 fils peut donc aussi être lue comme une mise en garde contre le phénomène d’assimilation, celui qui détruit le plus de juifs depuis la nuit des temps.

 

Et le 5ème fils ?

En effet nous avons évoqué ici quatre types d’enfants (ou de juifs tout simplement) qui sont assis à la table du Seder, mais celui qui n’est pas présent, celui qui est absent, celui qui ne sait peut être même pas que ce soir c’est Pessah, en parlons nous ? Que doit on faire pour lui ?