D’après des enseignements de Manitou.
Noé est un tsadik, un homme juste et intègre. Tsadik vient de tsédek, juste, justice ou justesse. Celui qui fait juste ce que D.ieu lui demande. C’est déjà beaucoup, énorme. Mais quand même il y a à la fois une grandeur incroyable et à la fois un manque inestimable. Essayons de cerner ce paradoxe.
« Italech et ahélokim » : il marche avec D.ieu. « Italech » en hébreu est une forme pronominal, difficile à traduire : « il se fait aller », il marche avec D.ieu, à côté de lui.
La paracha démarre avec « et voici les engendrements de Noé, Noé fut un homme juste et intègre ». D’habitude lorsqu’on parle des engendrements, on cite dans la foulée les enfants, la descendance. Ici pas du tout, on parle des qualités de Noé. Surprenant.
Manitou le lit de la façon suivante. » Et voici les engendrements de Noé : Noé ».
C’est à dire certes Noé est un tsadik, un juste mais il est incapable d’engendrer à son image, il n’engendre que lui même.
Le terme « engendrements », « toldot » est particulier. Il est à remarquer que ce terme « toldot » est employé à de nombreuses reprises dans la Bible (13 fois), et s’écrit de quatre façons différentes, les deux sons « o » s’écrivent soit avec un vav, soit sans. Donc quatre possibilités : deux vavs, un vav au début pas à la fin, pas de vav au début un à la fin ou pas de vav du tout. Le 1er vav symbolise le projet, l’intention, le 2ème la réalisation, la concrétisation.
Pour Noé, qui nous occupe aujourd’hui, « toldot » est écrit avec un vav au début mais pas à la fin. Il y a donc projet, potentiel, intention, mais pas de réalisation, de suite, de transformation, pas d’engendrement.
Par exemple ce mot « toldot » est employé, plus tard, pour Esaü et cette fois ci sans vav au début mais avec un à la fin. Pour bien nous signifier qu’avec Esaü nous sommes bien dans le concret, dans la réalisation, dans l’économie, le monde réel, le « high Tech », mais malheureusement sans projet, sans intention, sans sens, sans valeurs, sans spiritualité; il manque le 1er vav. Esaü symbolise l’Occident : cette interprétation est édifiante.
Combien de temps a pris la construction de l’Arche ?
120 ans. Ok, le temps était plus « extensible » à l’époque (les gens vivaient 900 ans), disons en le traduisant aujourd’hui environ 12 ans.
Et pendant tout ce temps, ces longues années Noé est il intervenu auprès de D.ieu pour essayer de sauver l’humanité, une partie, demander un pardon, négocier, tenter quelque chose ? (à l’image de ce que fera plus tard Abraham avec Sodome et Gomorrhe). Non. Il est resté concentré sur sa construction. Il a obéit à D.ieu. Juste comme il lui a dit.
Nous comprenons de mieux en mieux ce personnage de Noé. Et pour encore mieux le cerner il faut opérer un parallèle, une comparaison avec notre prochain héros, Abraham.
Abraham est celui qui va marcher devant D.ieu. « Ithalel lefanaï ». Expression qui sera employé par D.ieu puis dans la bouche du serviteur d’Abraham, Eliezer.
Marcher devant signifie qu’Abraham ira plus loin que Noé. De tsadik il deviendra hassid, c’est celui qui connaît tellement la volonté de celui qui demande, qu’il va faire encore plus, qui fait même ce qu’on ne lui a pas demandé.
Abraham ira plus loin en négociant avec D.ieu, par exemple, la sentence pour Sodome et Gomorrhe.
Mais attention pour être un hassid, il faut d’abord être un tsadik. D’abord commencer à faire ce que l’on doit, être juste, puis ensuite aller au devant, aller plus loin.
Et nous, nous sommes les enfants d’Abraham, Isaac et Jacob, pas les enfants de Noé.
D.ieu attend donc de nous d’être justes certes, mais d’aller aussi plus loin, de ne pas uniquement obéir aveuglément.
Manitou a formalisé la « théorie des toladot ». Pour lui les engendrements, la transmission est essentielle. Ne me dis pas uniquement qui tu es, ou quelles sont tes qualités (si grandes fussent elles), dis moi aussi et surtout qui tu engendres, qui sont tes enfants.
Noé est certes un juste mais que pour lui même, il est statique, il ne fait pas avancer l’Histoire.
C’est dans cette continuité de pensée que s’inscrit la formule suivante : à la question qui est juif ? La réponse celui dont les petits enfants sont juifs.