La Torah se termine sur la mort de Moïse laissant le peuple hébreu face à la terre promise, mais sans y entrer.
C’est dans le deuxième livre du Tanah, le livre des Prophètes, les Néviim, qu’on nous raconte la suite de l’histoire.
Celui des Prophètes comporte deux types de textes de nature très différente : des discours prophétiques et des récits.
Les récits racontent comment les hébreux vont prendre possession de la terre promise, finissent par créer une royauté et finalement en pleine décadence politique & religieuse seront balayés par les grands empires assyrien et babylonien.
Les discours prophétiques sont de toute autre nature, ils déploient un argumentaire moral et lancent des avertissements. C’est avant tout un rappel à l’ordre de la nation et surtout de ses dirigeants. Les prophètes critiquent la société de l’époque et rappellent les grands idéaux de la Torah. Le ton et le style polémique du discours lui donne une dimension d’une étonnante force.
Les textes narratifs, les récits :
Le livre de Josué
C’est le livre le plus guerrier de toute la Bible. Josué, successeur de Moïse, rassemble tout le peuple et franchit le Jourdain. Il se lance à la conquête de la ville de Jéricho, il tourne sept fois autour des murailles et au son du chofar les fait s’écrouler miraculeusement. Ensuite il part de conquêtes en conquêtes. Le peuple est rassemblé sur la terre d’Israël et confirme ainsi l’alliance conclue au Sinaï. À sa mort Josué a conquis toute la terre promise, installé les douze tribus sur leurs terres et éliminé les ennemis cananéens. Il s’agissait d’unifier la nation et de rappeler une destinée commune autour de la fidélité à la loi et du cadre national qu’est la terre promise.
Le livre des Juges
Le peuple d’Israël y apparaît sous un jour très différent. Pas de triomphalisme militaire, pas d’invincibilité, le peuple au contraire est faible, divisé, vulnérable face à ses ennemis. La force d’Israël vient surtout de la ruse et de sa capacité à déjouer un ennemi plus fort en le prenant par surprise. C’est dans ce livre que l’on retrouve l’histoire de la prophétesse Déborah, une femme qui sauvera Israël et entonnera son célèbre chant de victoire. On trouve également le fameux Samson, héros à la force surhumaine grâce à sa longue chevelure; il meurt en kamikaze après avoir été trahie par son amante philistine Dalida. Le livre des Juges se termine par une épouvantable guerre civile. Le message général du livre des Juges est politique. La nécessité d’établir une royauté afin de rétablir l’ordre contre l’anarchie générale et les luttes inter-tribales.
Le livre de Samuel
Il raconte dans le détail l’histoire du roi David, de sa naissance jusqu’à sa mort. C’est une véritable épopée avec son lot d’aventures, de tragédies et de réalisme psychologique, au point d’être considéré comme la première véritable œuvre romanesque de l’histoire de la littérature.
David est un personnage complexe, capable du meilleur comme du pire; torturé de passions et de remords, grand séducteur, amoureux et cynique à la fois, terrible guerrier, poète jouant de la lyre, mystique et aventurier. Tantôt fidèle, tantôt traitre, tantôt homme pieux, tantôt personnage peu recommandable, David présente les facettes les plus contradictoires et pourtant c’est lui qui choisira Jérusalem comme capitale du royaume et donnera naissance à la lignée messianique.
Il aura plusieurs enfants qui se combattront, allant jusqu’au meurtre fratricide et le viol de Tamar l’une de leurs sœurs. Absalom l’un des fils de David se lancera dans une guerre civile contre son père. Pour finir ce sera Salomon le fils de l’amour adultère de David et Betsabée qui succédera à son père, non sans quelque intrigue de palais et une guerre civile.
Autant dire que l’histoire de David ressemble fort à une pièce de Shakespeare sanglante et passionnée. Ce texte décortique l’âme humaine, en dévoile toutes les richesses, ses défauts comme la jalousie, la violence, les pulsions mais aussi sa capacité à les surmonter et à réparer ses erreurs.
La Bible nous dépeint donc des personnages loin d’une perfection idéale, mais avec lesquels tout un chacun peut s’identifier.
Le livre des Rois
C’est la suite directe du livre de Samuel, mais là on ne se focalise pas sur un personnage central mais sur le devenir du puissant royaume mis en place par David.
Salomon, fils de David, règne d’abord. Il est présenté comme un roi exemplaire et d’une sagesse légendaire. Si son père était un guerrier aux mains couvertes de sang, Salomon est lui un homme de paix, comme son nom l’indique. Et c’est pourquoi il lui revient de construire le Temple de Jérusalem. Il représente la sagesse accomplie et on nous raconte qu’on venait le consulter de très loin, ainsi comme le fit la reine de Saba.
Cependant la fin de règne de Salomon est entaché d’échecs dont le plus grave est l’incapacité d’assumer une succession sans dispute.
Après la mort de Salomon le royaume se retrouve divisé, puissant Israël au nord avec ses dix tribus et faible Yéhouda au sud conservant Jérusalem comme capitale avec le Temple de Salomon. Les deux royaumes seront toujours en rivalité, se feront même la guerre, rendant cette division irréversible jusqu’à la destruction du royaume du nord par les Assyriens, en -722 et l’exil des dix tribus.
Le livre des Rois s’arrête avec la destruction de Jérusalem et son Temple en -585.
Le message est clair : sans unité, sans paix et sans fidélité à l’esprit de la Torah, Israël court à sa perte.
Textes prophétiques
Un ensemble de discours prononcés directement par des prophètes. Un prophète est un personnage inspiré qui parle au nom de D.ieu. Il critique le plus souvent le pouvoir en place et le peuple et cherche à réaffirmer les grands principes de la Torah. Certains ont une vision de la fin des temps et annoncent le jugement de D.ieu.
Le livre d’Isaïe
C’est le plus célèbre et aussi le plus long des Prophètes. Il fustige l’infidélité d’Israël envers D.ieu. Il appelle à revenir à une conduite plus conforme à l’exigence morale du judaïsme. Il met l’accent sur le lien quasi amoureux entre Israël et son D.ieu. Il se moque du culte stérile et des sacrifices inutiles et exige une sincérité absolue, l’humilité, un travail du cœur et surtout une moralité sans faille. Il entame aussi un genre nouveau en annonçant l’exil et la rédemption. Pour lui D.ieu est étroitement lié à la destinée d’Israël; après l’exil le peuple sera ramené sur sa terre et érigera un temple, une maison de prière universelle ouverte à tous.
La vision religieuse d’Isaïe dépasse le cadre du peuple d’Israël. La fonction d’Israël est d’être une lumière pour les nations dans une humanité fraternelle et réconciliée. Les visions d’Isaïe sur la paix universelle, avec le loup paissant avec l’agneau sont très connues.
Le livre de Jérémie
Si Isaïe annonce la destruction du Jérusalem, Jérémie en est le témoin malheureux. C’est un personnage tragique, il cherche à éviter la catastrophe en prônant une éthique religieuse et surtout un pacifisme politique. Jérémie peut être vu comme le premier pragmatiste religieux. Sa fin est tragique, il est persécuté comme de nombreux prophètes, par les dirigeants religieux de son propre peuple et est contraint à l’exil en Egypte. Son discours s’achève sur une note d’espoir en prophétisant le retour à Sion.
Le livre d’Ezéchiel
La prophétie d’Ezéchiel se situe pendant l’exil. En effet c’est de la Babylonie qu’il fait ses grands discours prophétiques. Son style est plein d’images surréalistes, quasi apocalyptiques, il n’est pas facile à comprendre, comme avec sa vision de la résurrection des morts et de la reconstruction du troisième temple. Il se lance aussi dans de puissantes diatribes politiques contre le pouvoir de son temps.
Il existe enfin douze « petits » prophètes, ils ne sont appelés petits que du fait de leur brièveté.
Parmi eux le prophète Jonas fuyant D.ieu sur un navire, avalé par un poisson. Le récit est lu chaque année à Yom Kippour.
Zaccharie dont la vision du chandelier à sept branches entouré d’un rameau d’olivier est devenu le blason de l’actuel état d’Israël. L’adage, non par la force mais par l’esprit, est aussi rentré dans la postérité.
Que dire de la prophétise en général ?
Il existe une grande variété de textes prophétiques. Ceux-ci sont aussi bien des récits, critiques sociales, religieuses, politiques ou visions totalement surréalistes. Mais le propos principal reste une critique sévère du formalisme religieux, de la bigoterie et du manque de justice. L’exigence de justice sociale et de fraternité entre les hommes est mise au-dessus de tout. La Bible est loin de l’image qu’on pourrait se faire du discours religieux, elle est d’une sévérité impitoyable envers les dirigeants religieux et le peuple d’Israël. Une telle autocritique, une telle sévérité pour soi-même, une telle exigence intellectuelle et morale ne peut que surprendre. Ces discours ont donc inspiré des générations de mystiques, de penseurs et même de révolutionnaires.
L’influence des prophètes sur l’histoire humaine, celle des juifs mais aussi celles de bien d’autres nations, est considérable.
Quand lit on les livres des Néviim, des Prophètes ?
Et bien dans la Haftarah. Dans le rituel de la synagogue, le Chabbat et les fêtes, on lit d’abord un texte de la Torah, la paracha, puis on complète cette lecture par celle d’un extrait de cette deuxième partie du Tanah, les Prophètes, qu’on appelle donc la Haftarah. Le texte est choisi comme écho ou contre poids au discours de la paracha. C’est une façon d’ouvrir de nouvelles perspectives et de développer un discours religieux différent de celui de la paracha ou de compléter celui-ci.
Quand la prophétie a-t-elle disparue ?
La prophétie a pris fin avec le retour de Babylonie, au VIème siècle avant notre ère; et dès lors on s’est mis à écrire d’autres textes. On ne parle plus alors de prophéties et plus personne n’est habilité à parler au nom de D.ieu lui-même. Mais les accents prophétiques n’ont jamais cessé. Il ne manque pas de personnages dans l’histoire juive, de l’antiquité jusqu’à nos jours, pour dire des choses que le public a du mal à entendre.
Qu’est-ce qu’un faux prophète ?
Et bien un homme de « religion » qui instrumentalise la parole divine à son profit, qui cherche à abolir la loi, qui annonce que tout va bien, dit aux gens ce qu’ils ont envie d’entendre. Alors qu’un vrai prophète dérange parce qu’il parle vrai au nom de l’idéal même de la Torah.
À partir du Alef-bet d’Akadem