La Tsédaka est souvent traduit par charité : c’est une approximation qui nous empêche de percevoir la signification profonde de la Tsédaka. Charité vient du latin « charitas » qui veut dire tendresse; on parle ici d’un acte généreux de bonté. Or Tsédaka vient du terme « tsedek » qui veut dire en hébreu «  justice »; la Tsédaka relève donc plus de la justice ou de la justesse que de l’amour. C’est une obligation indépendante des sentiments qu’on pourrait avoir envers autrui.

La Tsédaka s’impose comme une « mitsva », c’est à dire un commandement, une obligation codifiée et nul ne peut se dérober. Chaque personne, chaque foyer est concerné et sollicité (contrairement à ce que l’on voit de nos jours dans certains pays où l’impôt n’est dû que par une moitié de la population).
Une somme est définie : 10% de ses revenus qu’on appelle le « Maasser »
, littéralement le 10ème, ou la dîme. Il s’applique même au pauvre qui aurait reçu la Tsédaka; à son tour il doit donner à plus pauvre que lui. Au nom d’une certaine conception de la justice la Tsédaka est ainsi un élément central, incontournable dans toutes les communautés juives.

Mais comment donner?

Maimonide nous éclaire en fixant huit degrés différents dans la façon de donner, du plus optimal au minimal :

1) Donner du travail ou prendre comme associé la personne : c’est le nec plus ultra, la personne peut alors subvenir toute seule à ses besoins et l’on préserve ainsi totalement sa dignité.

2) Faire un don complètement anonyme : personne ne sait qui donne : le receveur ne sait pas qui lui a donné, le donneur ne sait pas à qui il donne, et la communauté, le public ne sait pas qu’il y a eu acte de donation; ainsi toute gratitude ou toute forme de reconnaissance sont exclues.

3) Un don anonyme : la personne sait à qui il donne, mais le receveur ne connaît pas le donneur : pas de gratitude à espérer, à attendre.

4) Un don anonyme : cette fois la personne ne sait pas à qui elle donne, mais le receveur connaît l’identité du donneur.

5) Donner avant toute sollicitation.

6) Donner quand il y a sollicitation.

7) Donner moins que convenu, mais de bonne grâce, avec le sourire.

8) Donner à contre cœur, « obligé de », en fait souvent par convenance sociale.

Je retiens tout particulièrement cette notion de don anonyme qui est vraiment mise en avant, mais qui de nos jours est assez peu pratiquée dans nos sociétés où l’on assiste plutôt à des appels aux dons sur des projets bien précis (on recommande d’ailleurs de rendre bien concret, de matérialiser au plus le don pour une collecte efficace) et l’on met à l’honneur régulièrement le donateur en public (on sait aussi que cette reconnaissance est efficace sur la générosité du donneur).

En bref, on recherche l’efficacité du don, on joue sur les faiblesses humaines (ce besoin tellement recherché de reconnaissance, de gratitude) et on en oublie les recommandations de Maïmonide. Rechercher l’efficacité en terme de collecte est fort louable, car cet argent collecté a une grande importance; il va résoudre nombre de cas difficiles, de situations de grande précarité, sauver plusieurs personnes,…  Mais la fin justifie-t-elle les moyens ? A chacun de se bâtir son opinion. La voie est étroite, l’équilibre instable, une question de sensibilité et d’appréciation toute personnelle.

Nous savons que le monde est imparfait, fait de souffrances de toutes sortes, d’injustices nombreuses. C’est D.ieu qui a créé le monde ainsi et fait en sorte qu’il y ait des pauvres alors pourquoi vouloir changer la volonté divine ? Parce que l’homme a un rôle à jouer dans le projet divin; les imperfections du monde sont comme un appel à la responsabilité de l’homme; et alors D.ieu et l’homme deviennent associés au parachèvement du monde, à la construction d’un monde meilleur, à la réparation du monde ; ce qu’on appelle le Tikoun Olam.

La Tsédaka y participe grandement.