Tout aurait pu aller au mieux dans le meilleur des mondes… Mais il n’en a rien été, au contraire tout a basculé au cauchemar.

En effet Joseph était le vice roi d’Egypte, tellement apprécié de Pharaon, lui, qui grâce à ses interprétations des rêves de Pharaon, avait sauvé l’Egypte de la famine et en avait fait la plus grande puissance économique de l’époque. Les Juifs avaient donc tout pour être heureux dans ce magnifique pays.

Mais patatras, comme souvent, ou plutôt comme toujours dans l’histoire qui suivra, « Il se leva un nouveau roi qui ne connaissait pas Joseph ». Et là tout bascule, Joseph est oublié, il devient un inconnu et l’environnement idyllique qu’ont connu les juifs va se transformer en enfer, un véritable environnement concentrationnaire, le pire des totalitarismes.

Mitsraïm, c’est le nom de l’Egypte, mais ça veut dire aussi « étroitesses », ou autrement dit « écrasement de l’être », tout est fait pour l’étouffer. En Egypte la vie d’un juif avait moins d’importance que celle d’un animal.

Tout a basculé subitement ou y avait-il des signes annonciateurs ?

Le moment du totalitarisme ne surgit pas subitement en un jour.

Il y avait des signaux précurseurs, fallait il encore les voir ou  avoir envie de les voir.

Quand on sait que les hébreux ont hésité à quitter l’Egypte, malgré les dix plaies et que seulement 1/5ème finalement a quitté le sol égyptien pour prendre la direction du désert, alors regarder en face les signaux annonciateurs demandaient des efforts surhumains. Ces dénis de réalités sont très fréquents, et le syndrome, bien connu et déjà décrit dans certains articles de ce blog, de la grenouille bouillie a encore frappé. Comme la grenouille les juifs s’habituent petit à petit à l’eau chaude qui devient de plus en plus chaude et qui finit par les tuer.

« Et tu raconteras à ton fils » et « Demande à ton père il te racontera » : voici des injonctions capitales, que nous lisons, entre autres, dans la Haggadah de Pessah.

Oui, cette histoire de l’Egypte et de la sortie d’Egypte  est fondamentale, elle est constitutive de ce que nous sommes, mais ce n’est pas uniquement une histoire qu’il faut juste se rappeler, c’est un enseignement qu’il faut transmettre à nos enfants de générations en générations, car l’histoire se répète, elle bégaye. Bien sûr jamais dans les mêmes conditions, bien sûr ne pas tomber dans le piège de l’anachronisme, mais attention à retenir les leçons du passé; et c’est pourquoi l’injonction est impérative: « Tu raconteras à ton fils » et si jamais ce n’est pas fait « Demande à ton père il te racontera ».

Alors retenons que le totalitarisme ne surgit pas subitement en un jour. Alors soyons attentifs aux signes précurseurs, même à ce que l’on appelle « des signaux faibles ». Ne tombons pas dans le déni de réalité et évitons nous le syndrome de la grenouille bouillie.

En France ou même généralement en Europe ou aux Etats Unis nous ne vivons pas dans une société totalitaire, cela ne fait aucun doute. Mais ce n’est pas une raison pour ne pas se montrer attentifs, vigilants. Certains pays d’Europe ont basculé récemment vers l’extrême droite, l’attitude de Trump est tout au moins particulière, déroutante, surprenante, insondable, irrationnelle. Il dirige quand même la première puissance mondiale.

En France lors des dernières élections présidentielles il y a moins de deux ans le pays a failli basculé dans l’extrême, soit à gauche, soit à droite. il ne s’en est fallu que de 2% des votants au 1er tour et de surcroît au bénéfice d’un outsider (Emmanuel Macron) inconnu au bataillon et crédité d’à peine 2% des votants 18 mois plus tôt. Du jamais vu dans l’histoire de la République.

En France « Mort aux juifs » a été scandé dans les rues de Paris, lors de manifestations autorisées dans les années 2010, de nombreux juifs ont été sauvagement assassinés ou torturés (ou les deux) au seul motif qu’ils étaient juifs ces dernières années. Une petite fille juive âgée d’à peine 4 ans a été tirée par les cheveux pour recevoir ensuite une balle en pleine tête uniquement parce qu’elle était juive,…
Et j’arrête là une longue liste qui pourrait prendre plusieurs pages.

Alors oui nous ne sommes pas dans l’Allemagne hitlérienne des années 30, mais nous subissons un contexte de grande hostilité qu’il faut prendre en compte, qu’il faut regarder en face. Chacun doit le faire à titre individuel et nos responsables communautaires à titre collectif, il en va leur responsabilité.

Cette paracha de Chémot nous incite, nous oblige à y réfléchir chaque année. Puis après y avoir réfléchi à agir. (Comme toujours dans le judaïsme, unir l’action et la réflexion pour être en accord avec soi même).